LA TREMBLADE

 

                                                                                          Par Claude Goulevant 1996

 

 

 

DOMMAGES DE GUERRE

 

 

 

Règlements ou pas règlements !

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

 

Avril 1945 : la poche de Royan (en Charente-Maritime) est libérée par les troupes françaises. Quinze jours après, l'Allemagne capitule.

 

Ne revenons pas sur ce qui s'est passé pendant la Libération, elle fit couler beaucoup d'encre en son temps, d'ailleurs pas encore bien sèche.

 

La région de Royan a subi d'énormes dégâts dus à cette libération ; quant à la ville elle-même, ce n'est plus qu'un champ de ruines, avec beaucoup de Royannais ensevelis dessous.

 

Aux alentours, si les habitations ne sont pas toutes détruites, elles sont plus ou moins endommagées. Quant au pillage, c'est une malédiction, au mieux une véritable institution.

 

 

 

Les Allemands se sont servis les premiers, prenant sans délicatesse ce dont ils avaient besoin ou pas, déménageant, réaménageant à leur gré.

 

Évacuée de force, la population laisse tout en place ou presque, sans pouvoir dissimuler l'essentiel, faute de temps.

 

Nous avons relaté ce qui s'était passé à La Tremblade où les troupes françaises, qui comportaient un nombre important d'étrangers de toutes races et couleurs, se sont servies très largement pendant une semaine aux dépens des habitants.

 

Revenus, ceux-ci ne peuvent que constater les dégâts, personne ne semblant responsable : un leitmotiv revient toujours en réponse aux questions posées : c'est la guerre !

 

Devant une France détruite, pillée, et afin de rameuter les électeurs très en colère, le gouvernement décide de rembourser les dommages de guerre. Juste décision...

 

Nous assistons au commencement d'un roman-fleuve, qui va durer de nombreuses années, mettant à l'abri du besoin un nombre incalculable de fonctionnaires "indispensables"!

 

Prenons pour exemple une famille de La Tremblade dont la maison n'est pas détruite, seulement abîmée, mais complètement pillée. L'habitation contiguë des beaux-parents a subi le même sort, et c'est le gendre, instituteur, qui se charge des démarches auprès de l'administration toute puissante.

 

Là, va commencer le roman-fleuve dont nous parlions, qui nous promènera d'administration en administration durant 15 ans.

 

 

 

I  - LES MINISTÈRES

 

 

 

Nous sommes en 1945, l'état décrète la création d'un ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU), et, la même année, édite un petit opuscule destiné aux sinistrés ; ce manuel doit servir de mode d'emploi pour se "désinistrer" !

 

 

 

Le commissariat général aux dommages de guerre, dépendant du précédent ministère, imprime cet ouvrage sous le nom de : "Renseignements et conseils à l'usage des sinistrés".

 

L'introduction nous dit que cette brochure a pour but de donner aux sinistrés des conseils sur la constitution du dossier qu'ils doivent remettre à la délégation départementale du ministère de la Reconstruction de leur département.

 

Voilà donc un organisme, sous-produit d'un premier, qui donne des conseils pour celui-ci. Avant toute démarche, il est toutefois recommandé de s'adresser à l'Association des sinistrés dont le siège est le plus proche de la résidence.

 

 

 

Pour le Ministère du Logement et de la Reconstruction, la direction des Services départementaux de l'arrondissement de Royan, adressez-vous "villa Marquisette à Royan".

 

Les bureaux de cet organisme s'ouvrent peu de temps au public : 10h - 12h, 14h - 16h30, sauf le mardi, le vendredi, et le samedi après-midi. Sinistré, tu as intérêt à viser juste et à être à l'heure !

 

 

 

Quant à l'Association des sinistrés, il faut aller la chercher 2 place de Verdun, à La Rochelle, où elle n'a d'ailleurs pas le téléphone !

 

Heureusement se crée à La Tremblade un comité des sinistrés qui, très pauvre financièrement, délivre une carte à ses adhérents sous forme d'un petit bout de papier revêtu de la signature du trésorier.

 

En novembre 1945 ce bout de papier est remplacé par une carte cartonnée simple et, les affaires devenant florissantes, en 1947, elle deviendra une carte double, genre identité.

 

À croire que le sinistré est une affaire qui marche, les finances remontent.

 

 

 

II - DÉCLARATIONS, COMPLICATIONS

 

 

 

Reprenons notre exemple trembladais.

 

Nous sommes en face de trois maisons, l'une rue du Port, appartenant à M. et Mme René T., une autre rue de la Seudre, à leur mère et belle-mère, Mme Veuve S., dont une partie est occupée par la grand-mère, Mme Veuve H., et la troisième en indivision entre Mme S. et sa soeur. D'où l'ouverture de quatre dossiers bien distincts ; la première et la troisième maison sont reconnues pillées, la seconde pillée et partiellement sinistrée, car elle a écopé de plusieurs obus.

 

Nous sommes, hélas, si loin du dénouement qu'entre temps Mme S. et Mme H. décèderont et que M. et Mme René T. iront habiter rue de la Seudre. Ces changements d'adresses perturberont les administrations, peu enclines à réviser des données dûment enregistrées ; cela brouillera un peu plus les cartes.

 

 

 

Mais avant les gros dossiers, on s'occupe de quelques points de détail.

 

Par exemple, comment se faire rembourser une carabine réquisitionnée le 23 juin 1940, ainsi qu'une scie quelque temps après, en ajoutant un vélo et une voiture, puis le piano, les W.C., le coffre-fort etc.

 

Le 7 septembre 1945 on commence par le piano, qu'un éclat d'obus a traversé allégrement : heures, plus fournitures, plus déplacement et déjeuner du réparateur, la facture se monte à 1.160 F.

 

Les W.C. cassés sont réparés en octobre pour 3.815 F.

 

Le coffre-fort, bien entamé à la hache et même éventré, est réparé en 1947 pour la somme de 8.760 F.

 

 

 

Puis on s'occupe des dossiers sérieux.

 

Après moult déclarations de perte de biens mobiliers et autres le M.R.U. (ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme) répond à la lettre de René T. en date du 9 décembre 1949 ! Cinq ans sont déjà passés sans résultats, mais en grand silence.

 

Cette réponse est datée du 15 février 1950, après plus de deux mois de réflexion administrative.

 

Il y est dit que l'éventuelle révision par le M.R.U. des dommages de guerre ne pourra s'effectuer que lorsque les instructions pour la mise en œuvre de la loi 49.538 du 20/4/49 seront parvenues au dit service. Que c'est loin Paris !

 

 

 

III - L'ATTENTE

 

 

 

On attend donc la mise en œuvre de la loi et l'on va attendre longtemps. Enfin, en mai 1955, brusquement, le mobilier sinistré semble être classé en deuxième catégorie, et le M.R.U. demande comment il faut qu'il soit indemnisé : valeur des biens détruits, ou forfait.

 

René T. opte pour le forfait, tout en sachant très bien, comme cela est expliqué, que cette option n'aura par elle-même aucune incidence du point de vue priorité des règlements.

 

Vous avez, Monsieur, un mois pour répondre, et nous l'éternité, précise le M.R.U. !

 

Cette mise en demeure date du 25 mai 1955, et le 27 du même mois arrive une autre missive à remplir de toute urgence ; il faut, vite et bien fait, remplir l'imprimé D 3, remplir une fiche d'état civil incluse, remplir une autre fiche de renseignements modèle 160 et inclure au dossier la décision de classement du mobilier.

 

Si la première lettre (25 mai) est signée " Pour le chef de l'arrondissement, le chef de la division Dommages de guerre", la deuxième missive est signée "Pour le directeur et P.O., le chef adjoint du service départemental".

 

Les deux lettres sont originaires du M.R.U. "villa Marquisette", service aux portes étanches !

 

 

 

Un an après, le 5 mai 1956, René T. est avisé qu'il va être réglé d'une somme de 48.000 F, représentant son indemnité mobilière. Ce règlement sera fait, dernier délai, avant le 31 décembre 1957.

 

 

 

IV - RÈGLERA, RÈGLERA PAS ?

 

 

 

Le 14 décembre 1957, René T., fort des promesses de 1956, et ne voyant rien venir, écrit au M.R.U. pour lui faire part de son inquiétude.

 

Très correct et directement de La Rochelle, ce service lui répond : "en raison de la conjoncture actuelle financière, le plan de priorité primitivement établi n'a pu, malheureusement, être respecté ". "Seuls les dossiers des personnes nées en 1903 et antérieurement, sinistrées dans leur résidence principale, ont pu être financés en 1957." 

 

Attendez, les finances nous manquent, on verra plus tard, semble dire le M.R.U.

 

Pour un autre dossier similaire, la date ultime du versement des indemnités, et fixée en 1956, est reportée au 31 décembre 1958.

 

En octobre 1959, ne voyant rien venir, René T. écrit au toujours célèbre M.R.U.

 

Réponse de ce dernier quelques jours après :

 

" Les mesures d'assainissement financier qui ont dû être prises dès le cours de l'année 1957 ont eu pour conséquence de ralentir la cadence d'indemnisation des dommages mobiliers, il doit être procédé cette année d'une part au règlement des personnes nées en 1909 ou antérieurement, sinistrées dans leur résidence principale, d'autre part au règlement des indemnités relatives à des biens de succession... le règlement de cette indemnité doit s'effectuer intégralement au moyen de titres, ce qui est votre cas... le financement sera effectué d'ici la fin du présent exercice..."

 

Le 14 mai 1960, le ministère de la Reconstruction est fier d'annoncer à René T. que le gouvernement a obtenu l'inscription à son budget des crédits nécessaires pour achever l'indemnisation des sinistres portant sur des biens meubles d'usage familial... Le règlement se fera dans les prochaines semaines, en espèces, ou en titres !

 

Enfin ! Il n'a fallu que quinze ans pour régler cette affaire ! À croire que le M.R.U. attend le décès de ses clients !

 

 

 

V - BICYCLETTE, VOITURE ET ROUE DE SECOURS

 

 

 

Ses meubles brisés, sa maison pillée ne sont qu'une partie des bienfaits de l'occupation allemande et du pillage des troupes françaises sur les biens de René T.

 

Il possède aussi une petite voiture Citroën type "Rosalie", et trois bicyclettes. Las ! Les trois bicyclettes se sont envolées, quant à la voiture, qui sans doute n'a pas voulu démarrer, les Allemands l'ont "déchaussée", emportant les quatre roues et les pneus.

 

Fort de son bon droit, René T. demande le dédommagement de ses biens. Alors commence une drôle d'histoire avec les fonctionnaires et les divers services gouvernementaux.

 

Sincèrement, René T. explique son cas en août 1946, car jusque-là il n'a rien reçu des services contactés.

 

" Pendant l'occupation allemande de La Tremblade, on a effectué sur ma voiture la réquisition des quatre enveloppes et des quatre chambres à air qui s'y trouvaient et ce, sans aucun règlement.

 

Prudent, j'avais caché la cinquième roue, entièrement neuve, dans mon appartement. Cette roue a été emportée au cours des pillages (par les Français).

 

J'ai demandé plusieurs fois la marche à suivre pour obtenir un remboursement. Les dirigeants du groupement des sinistrés de La Tremblade dont je suis membre sous le n° 210, m'adressent aujourd'hui à vos services.

 

Je vous prie donc, Monsieur, de bien vouloir donner suite à cette lettre... etc."

 

 

 

Cette lettre est adressée au service auto de la 4e  région à Bordeaux.

 

Jusque-là rien de bien anormal. Pourtant qu'a-t-il fait, ce malheureux, spolié, volé, pillé ?

 

Suite à cette simple lettre un grand silence se fait, silence qui se poursuit jusqu'en mai 1947, où, inquiet, René T. relance le service matériel auto à Bordeaux pour s'y plaindre :

 

"Ma voiture est immobilisée parce que les pneumatiques ont été enlevés par les Allemands en 1945.

 

J'ai eu l'honneur de vous écrire à ce sujet le 19 août 1946. Il me serait très utile pour les besoins de mon exploitation de remettre cette voiture en état de marche, et je sollicite de vos services l'attribution des bons qui me sont nécessaires pour rééquiper les roues (enveloppes et chambres à air de 150 X 40) Veuillez agréer, etc."

 

 

 

VI  LA MACHINE SE MET EN MARCHE

 

 

 

Un mois après, le 4 juin 1947, arrivent chez René T. divers formulaires à remplir :

 

-      une déclaration sur l'honneur

 

-   une annexe IV fournie par la mairie de La Tremblade au sujet du pillage de matériel automobile, le tout à envoyer avant le 17 juillet1947. Tout est rempli et envoyé au service demandeur.

 

Re-silence de l'administration jusqu'au 4 décembre 1947 où le président de la commission régionale de liquidation des réquisitions auto signale à René T. d'avoir à se dépêcher de faire parvenir son dossier car : " Seront prescrites et définitivement éteintes à la date du 1er  janvier 1948 toutes les créances qui, bien qu'ayant fait l'objet d'une demande en temps utile, n'auraient pu, à défaut de justifications suffisantes, être liquidées, ordonnancées et payées au 31 décembre 1947." C'est un comble !

 

Dépêchez-vous, fermeture de la réception des dossiers complets et valables le 15 décembre 1947 !

 

Il faut donc que René T., en quelques jours, fournisse un bon de réquisition original, signé par l'armée allemande, une copie de la carte grise (facile), encore une déclaration sur l'honneur, et enfin la dimension de la roue de secours réquisitionnée (= volée) par les F.F.I.

 

Le fonctionnaire zélé a dû réfléchir que la roue volée par les F.F.I. n'était peut-être pas la sœur des quatre autres, et qu'elle était, on ne sait jamais, ou plus grande ou plus petite !

 

Heureusement qu'il n'y a à ce service du matériel automobile que des spécialistes !

 

 

 

Le 18, très fier, le président de la commission des Réquisitions auto accuse à René la transmission de son dossier à Monsieur l'Intendant des Réquisitions, rue de la Monnaie à La Rochelle.

 

De Bordeaux le dossier arrive à La Rochelle dans ce service spécialisé, chargé du règlement des pillages effectués pendant l'évacuation des villages.

 

Tout content de voir que quelqu'un s'occupe enfin de son cas, René T. donne à ce service quelques précisions sur l'enlèvement de ses roues.

 

"En réponse à votre note du 4 décembre 1947 et en vous remerciant d'avoir bien voulu me rappeler mes précédentes demandes, j'ai l'honneur de vous faire connaître, qu'étant donné la façon dont les F.F.I. ont enlevé le pneu complet et neuf qui justifiait le dossier - dimension 150 X 40, il ne m'est pas possible de fournir le bon de réquisition original "

 

Fort de cette explication détaillée, René T. attend tranquillement, et sûr de son bon droit, la solution finale.

 

 

 

VII - LE DÉBUT DE LA FIN

 

 

 

La solution finale ? Elle arrive le 6 janvier 1948 avec une belle en-tête de lettre : "Intendance militaire, Chef de Service de l'Intendance militaire des Réquisitions 1, rue de la Monnaie, à La Rochelle - objet : pillage matériel auto "

 

Avec une telle adresse (rue de la Monnaie), on ne peut que vous régler vos dommages ! Hélas !

 

Le règlement du matériel enlevé par les Allemands (les quatre roues) est du ressort du M.R.U.

 

Quant à la roue de secours et chambre, enlevées par les F.F.I. c'est l'intendance de la 4e région militaire qui va prendre ce dommage en considération, à condition qu'on lui envoie une estimation du bien à la date du vol. Quel problème pour l'Intendant !

 

Pauvre voiture !

 

Un ministre pour quatre roues et un autre ministre pour la 5e! Une fois encore, René T. remplit formulaires sur formulaires avec moult tampons.

 

Comme il n'y a pas assez de détails pour cette histoire de roues, la rue de la Monnaie demande d'autres explications au mois d'avril.

 

Le 31 mai, la rue de la Monnaie, non contente une fois encore des renseignements donnés, exige un devis des dégâts commis sur cette fameuse Citroën "Rosalie", mais exclusivement fait par les F.F.I. (qui n'avaient volé que la roue de secours !).

 

 

 

Il est bien spécifié à nouveau que le matériel enlevé par les Allemands (les quatre roues) dépend du M.R.U., et qu'il se débrouille ! Est-ce que vous avez adressé à cet organisme une demande d'indemnité ? Avez-vous un bon d'enlèvement signé par l'armée allemande ? Si vous l'avez, vous nous l'envoyez et nous transmettrons au M.R.U.

 

 

 

Excédé, René T. vend sa "Rosalie", mais répond à l'intendance militaire : " en réponse à votre lettre du 31/5/48, j'ai l'honneur de vous faire connaître que les questionnaires présentés par l'intermédiaire de la gendarmerie ont été remplis, que je ne possède aucun bon d'aucune sorte et qu'en outre la voiture a été vendue dans l'état où elle a été laissée par les F.F.I., soit une moins value estimée à 50.000 F."

 

Écrite le 10 juin, cette lettre reçoit une réponse rapide le 22 juin.

 

La rue de la Monnaie veut le devis de réparation de la voiture (vendue) et constate que les gendarmes ont fait une enquête : il se trouve (là est la découverte) que les troupes françaises ont "prélevé" chez René T. : une roue de secours neuve de 150 X 40, trois bicyclettes (deux neuves et une usagée) et une batterie de voiture (dont il manque le voltage, là se pose une question : qui a volé le voltage ?)

 

Dès que les devis seront envoyés et reçus, l'intendant fera des propositions de règlement.

 

Le 26 juin, Laurent Pérat, marchand de cycles à La Tremblade, estime une bicyclette d'homme à 10.165 F, une de dame à 10.545 F quant à la bicyclette usagée, vu qu'il ne la connaît pas, il l'estime à zéro F...

 

Rectification du devis avant l'envoi :

 

bicyclette d'homme modèle standard :                                 13 280

 

de femme                                                                          13 565

 

usagée                                                                               8 500

 

 Total                                                                                35 345

 

 

 

Le garage Mouchard fournit aussi un devis bien ajusté :

 

une batterie 6 volts 90 ampères                                                             4 350

 

(enfin on a retrouvé le voltage)

 

un pneu 150 X 40                                                                                 3  468

 

une chambre à air                                                                                    438

 

une jante                                                                                                  626

 

Total                                                                                                      8 881

 

 

 

Le total des deux devis se monte donc à 44.226 F.

 

Au reçu de cette addition, l'intendant de la rue de la Monnaie fait un bond sur son siège et déclare froidement que les prix de 1945 ne sont pas ceux de 1948 et que le service du Matériel de Bordeaux, chargé de la vérification des demandes, ramène la somme qui va être allouée à 9.750 F !

 

Envoyez votre accord, et tout ira bien !

 

Outré, René T. refuse de signer les accords et proteste vivement dans sa lettre du 23/10/48, la hache de guerre à la main...

 

 

 

VIII - FIN DE NOTRE HISTOIRE

 

 

 

Que s'est-il passé par la suite ?

 

En mars 1949, René T. reçoit du Trésorier-Payeur-Général de la Charente-Maritime un avis de crédit, disant que suite à l'accord de règlement pris le 31 décembre 1948, il lui paye une indemnité de 32.000 F.

 

C'est déjà mieux, mais ce n'est pas encore encaissé. Quand l'affaire de la voiture a-t-elle eu un heureux dénouement ? Nous ne savons pas.

 

Seuls deux documents, témoins de cette triste et rocambolesque histoire, laissent présager une fin difficile :

 

Le 15 février 1950, le Délégué départemental de la Reconstruction fait connaître à Mme Veuve S., belle-mère de René T., qu'il lui est impossible de lui venir en aide tant que certaines instructions ne lui seront pas fournies. Pauvre homme incapable de faire aboutir ses dossiers !

 

Le clou de toutes ces démarches est une lettre en date du 29 mai 1958 (13 ans après le pillage): Les services du M.R.U. procèdent à l'évaluation des dommages résultant de la perte de biens meubles et d'usage courant (moyens de transport, armes de chasse et de tir, instruments de musique, postes de radio, appareils photographiques et d'optique, articles de sport). Remplissez l'imprimé de demande d'indemnité et l'on vous répondra, déclarent les fonctionnaires du M.R.U., à la veille d'être remerciés.

 

Sans grand espoir, René T. remplit un autre dossier, mais nul ne sait ce qu'il est devenu. Peut-être erre-t-il, tel un fantôme, dans les couloirs de la villa "Marquisette" ?

 

De ce genre d'histoire, notre écrivain humoriste Courteline aurait certainement tiré une pièce de théâtre très rond de cuir !

 

À côté de maisons entièrement détruites par le feu et les bombes, ou, plus encore, de familles décimées par les mêmes faits, notre histoire peut paraître ridicule par son peu d'importance.

 

Il ne fait pas bon quand même de se voir délibérément volé, pillé et être obligé d'attendre des années pour qu'une maigre justice vous soit rendue pécuniairement, alors que tous les ans certains de ces pillards sont glorifiés pour d'autres faits plus ou moins discutables.

 

Arrêtons notre récit car il n'est jamais bon de remuer la boue, même des dizaines d'années après ces hauts faits !