MARTIN LUTHER

et la liberté de conscience

Conférence du 9 juin 2017 à Saujon

par Didier Poton

Présentation de Robert Martel

Bonsoir à toutes et à tous que je salue au nom de la SHASM en vous remerciant de votre présence à l’occasion de la conférence du professeur Didier Poton sur Martin Luther qui est à l’origine d’un patrimoine immatériel en Saintonge comme dans toute l’Europe. Bonsoir à toutes et à tous que je salue au nom de la SHASM en vous remerciant de votre présence à l’occasion de la conférence du professeur Didier Poton sur Martin Luther qui est à l’origine d’un patrimoine immatériel en Saintonge comme dans toute l’Europe.

 

            Il est clair, que la SHASM n’a pas vocation à commémorer un événement religieux, toutefois l’action de Luther a eu dans toute l’Europe des conséquences historiques, non religieuses, d’une grande ampleur. Ce soir, la SHASM vous propose avec le professeur Didier Poton de faire mémoire de cet événement historique de 1521, lorsque devant l’empereur Charles Quint, Martin Luther refusa de se rétracter,  au nom de la liberté de conscience. Semence qui mettra du temps avant de pouvoir germer, s’épanouir et produire des fruits... jusqu’en Saintonge.

 

    Avant de présenter l’orateur, j’ai quelques remerciements à formuler. Ils sont liés au lieu où nous sommes, un temple, lieu inhabituel pour la SHASM.

 

 Dans notre langue des XVIIe et XVIIIe siècles le mot temple désigne un bâtiment public. Si vous avez des doutes, alors, lorsque vous irez à La Rochelle, prenez le temps de vous arrêter devant ce qui est appelé aujourd’hui le palais de justice. Levez les yeux et vous lirez sur le fronton : Temple   de la Justice.

 

Ce temple où nous sommes ce soir, appartient à la commune de Saujon. Il est un bâtiment public, aussi la SHASM est particulièrement heureuse de remercier de sa présence Monsieur Pascal FERJAUD, maire de cette ville dont il est un historien passionné ainsi que le promoteur de la SHASM dont il est le président d’honneur.

 

            Comme tous les bâtiments que possède la commune, ce temple a une affectation. Il est légalement mis à la disposition de l’Église protestante unie de Saujon-Royan. La SHASM adresse donc ses remerciements à M. Jean Grascœur, président du conseil presbytéral et au pasteur Douglas Nelson, tous deux présents parmi nous, ainsi qu’à tout le conseil presbytéral qui, ce soir, a mis à notre disposition, ce temple, lieu d’écoute par excellence. 

 

      La SHASM est donc dans de bonnes conditions pour accueillir ce soir Monsieur Didier POTON Professeur d’histoire moderne. Elle le remercie cordialement de sa présence parmi nous afin de nous expliquer en quoi Luther participa à la grande révolution socio-culturelle qui a marqué le tournant du Moyen âge aux temps dits modernes. Transformation qui fit des vagues jusque dans le Pays des Îles, appellation de la Saintonge maritime au début du XVIe siècle.

 

         Didier Poton est particulièrement compétent pour traiter ce sujet historique puisque déjà en 1995, il publiait avec son collègue Gilles Deregnaucourt un ouvrage sur La vie religieuse de nos ancêtres du XVIe au XVIIIe siècle.

 

 

 

 

 

Plus récemment, il est le co-auteur de ce livre dont voici le deuxième tome : Les Huguenots et l’Atlantique, (2012) qui a un chapitre innovant et d’ordre général qui intéresse au plus haut point les associations  telles la SHASM (Sté d’histoire et archéologie de Saintonge maritime), la MHPC (Maison d’histoire du protestantisme  charentais) et le MRPH (Musée rochelais d’histoire protestante) dont Didier Poton est le président. En effet, ce chapitre signale que nous sommes entrés dans ce temps nouveau où les associations jouent, sur leur terrain,  un rôle dans le travail de la Mémoire et la construction patrimoniale en parallèle avec les universités.

 

             

 

   Ce soir la présence du professeur Didier Poton parmi nous est un exemple de cette synergie que la SHASM salue et j’espère que vous aurez plaisir à l’écouter, car il est tout à la fois historien, professeur et excellent orateur. Je lui laisse donc  la parole pour nous parler de Martin Luther et la liberté de conscience.      

Intervention Didier Poton

Texte intégral avec l'aimable autorisation de l'auteur

D’abord, je tiens à remercier l’Association pour son invitation. Je découvre le temple de Saujon…Saujon, j’y passe, mais je me suis rarement arrêté …désolée Monsieur le Maire. Quand on est de La Rochelle, on a tendance à aller vers Royan, directement…

 Introduction

 Le sujet : « Luther et la liberté de conscience ». C’est un sujet complexe dans la mesure où la question de la liberté de conscience n’a jamais été contestée, même au Moyen-âge. La liberté de conscience intérieure, et je souligne « intérieure »  est entière. Ce qui pose problème c’est d’exprimer publiquement cette différence. Ce qui est contesté c’est la dissidence publique. La liberté de conscience, on n’y va pas (?) ; même au temps de la période cathare difficile en Languedoc, il y a un certain nombre de documents qui précisent que, être discret sur le fonds de sa conscience n’entraîne pas ... La seule difficulté c’est : à quel moment vous conservez votre liberté de conscience … et vous vous retrouvez en contradiction entre votre conscience et les gestes que l’on vous oblige à faire. C’est la question du nicodémisme[1]. Pour revenir à Luther, il ne fait pas oublier qu’il y a un groupe, extrêmement intéressant, les vaudois[2] au début à Lyon au XIIIe siècle ; ils se réfugient en Provence et la fin va être dramatique en 1543 pour beaucoup puisque c’est un des premiers grands massacres en France. Ces vaudois vivaient très paisiblement en Provence[3]. Ils avaient trouvé la paix de la façon suivante : ils se soumettaient à l’obligation catholique ;  mais ils n’en gardaient pas moins un rapport à l’Evangile qui leur avait causé pas mal de difficultés dans les dissidences des XIVe et XVe siècles. Ils pensaient que conserver à la fois leur conscience, leur christianisme, les obligeait « à une certaine réserve » comme on le dirait aujourd’hui. Donc l’idée selon laquelle le XVIe serait le siècle de l’émergence de la liberté de conscience, à la suite de la Réforme protestante, c’est oublier que le débat, avant, est  beaucoup plus complexe qu’on ne le croit.

 Marc Lienhard[4] qui travaillait sur les dissidences en pays rhénan : petites communautés savaient cultiver à la fois une certaine obéissance de fait et une certaine liberté de pensée intérieure. Seule difficulté pour l’historien : quand ce n’est pas exprimé par écrit, il n’y a pas de source, et s’il n’y a pas de source, cela n’existe pas.

 

Luther et la liberté de conscience

 Quand Luther déclenche la querelle des indulgences, Luther n’a absolument pas conscience du mécanisme et du chemin sur lequel il l’engage. Luther pose la question tout simplement au sein de l’Eglise de l’époque, qu’il y a des pratiques qui ne sont pas admissibles. Et il est absolument persuadé que l’Eglise va en débattre. Il appelle à un Concile et est persuadé qu’à un moment ou à un autre l’Eglise devra se réformer et devra réformer ses pratiques.

 

1 - Querelle des indulgences

 

[1] Nicodémisme : au XVIe siècle terme désignant ceux qui ne font pas profession publique de leur foi protestante, à l’image de Nicodème qui, dans les Évangiles, n’avait pas osé se prononcer ouvertement pour le Christ.

[2] Né à Lyon à la fin du XIIe siècle, le mouvement vaudois (de Pierre Valdo 1140-1217)s’étend dans toute l’Europe au Moyen-âge.

[3] Voir livre de Gabriel Audisio : Les vaudois. Histoire d'une dissidence (XIIe-XVIe siècle), Paris, Fayard, 1998

[4] Marc Lienhard : Biographie rééditée de Luther, Labor et Fides, 2016 (ISBN 978-2830916058)

 

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