L’affaire Dreyfus vue par le journal La Seudre De l’arrestation au procès, novembre-décembre 1894

 

 

L’affaire Dreyfus a secoué profondément la France entre 1894 et 1906. Les 7 articles suivants ont été publiés dans le journal La Seudre (de l’arrondissement de Marennes), probablement repris à partir de journaux nationaux. Ils sont le reflet d’une époque et d’opinions largement répandues dans la société.

Pour retrouver la chronologie complète et plus objective de cette affaire on peut consulter le site de l’Assemblée Nationale :

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/dreyfus/dreyfus-chrono.asp

 

4 novembre 1894

Les journaux de Paris annonçaient mercredi qu'une arrestation sensationnelle venait d'être opérée par M. Clément, commissaire aux délégations judiciaires. Un officier avait été écroué sous l'inculpation de haute trahison.

On assure aujourd'hui que l'officier arrêté serait le capitaine juif Alfred Dreyfus, du 14e d'artillerie, à Tarbes. Il aurait livré à un officier italien les plans de mobilisation du XVe corps, dont le siège est à Marseille.

Il aurait, en outre, fourni, par vénalité, les plans du fort de Briançon et des renseignements sur divers points défensifs des Alpes. Au point de vue de la pénalité encourue par le coupable, on cite comme applicable l'article 206 du Code militaire, punissant de mort avec dégradation militaire tout militaire qui procure à l'ennemi des documents ou renseignements susceptibles de nuire aux opérations de l'armée.

Quoiqu'il en soit, l'émotion produite est considérable.

Ajoutons que l'affaire se jugera probablement à huis-clos, comme pour le procès Turpin-Triponé.

 

11 novembre

Bien que les événements de Russie accaparent l'attention publique, on se préoccupe néanmoins du cas du traître juif Alfred Dreyfus. Il est à peu près certain aujourd'hui que la puissance de la Triplice à laquelle le capitaine félon a vendu notre pays est l'Allemagne.

Quant à Dreyfus, il est détenu à la prison du Cherche-Midi. L'affaire est à l'instruction. C'est le premier Conseil de guerre de la Seine qui jugera le coupable.

La presse flétrit énergiquement la conduite du capitaine Dreyfus. Quelques feuilles, rares heureusement, essayent d'atténuer cependant l'énormité du crime du capitaine.

 

18 novembre

L'affaire du traître Dreyfus traîne en longueur. Si l'on en croit certains bruits, sur le cas du capitaine félon, viendraient se greffer d'autres affaires d'espionnage. Des étrangers dont deux Allemands, ont été arrêtés cette semaine. D'une perquisition opérée à leur domicile, on ne serait pas éloigné de croire qu'on se trouve en face d'officiers prussiens, complices de Dreyfus.

Quant à ce dernier, il est toujours au secret au Cherche-Midi. Il sera défendu, devant le Conseil de guerre, par Me Demange.

 

25 novembre

Rapproché de la haute trahison Dreyfus, le cas du capitaine Romani fait un singulier pendant à celui du pékin juif.

On se rappelle les faits : le capitaine Romani du 112e d'infanterie, à Antibes, s'était égaré la nuit sur le territoire italien et avait été arrêté comme espion. Bien qu'aucune charge n'ait été relevée contre le capitaine français, le tribunal italien de San-Remo vient de le condamner pour espionnage, à 14 mois de prison, 1,200 francs d'amende et aux frais du procès. Ce verdict est diversement commenté.

 

2 Décembre

Qu'attend-on au ministère de la guerre pour traduire en Conseil de guerre le traître juif Dreyfus ? L'instruction est-elle bien close, ou se poursuit-elle, quelque corrélation existant entre le cas du capitaine et les récentes affaires d'espionnage ? Enfin, en faisant traîner l'affaire en longueur, subirait-on des influences sémitiques, qui essaient d'arracher Dreyfus à la justice ?

Ce sont là autant de questions qui vaudraient la peine d'être résolues.

 

16 Décembre

C'est bien mercredi prochain, 19 décembre, que viendra devant le conseil de guerre l'affaire de haute trahison du capitaine juif Alfred Dreyfus.

Malgré tous les efforts tentés par les Juifs, pour sauver leur coreligionnaire, tentatives d'intimidation, menaces de représailles, pression effrénée, injures les plus grossières vomies sur le ministre de la guerre, justice sera donc faite. Cette justice, cette satisfaction à notre honneur national, on les devra à M. le général Mercier. On ne pouvait moins attendre du chef de l'armée.

Cependant, on rapporte que, pour en arriver à pareil résultat, le ministre a dû surmonter bien des difficultés et résister à bien des assauts.

Voici, telle qu'elle a été établie par le gouverneur militaire de Paris, la composition du conseil de guerre devant lequel comparaîtra Dreyfus :

Le colonel Maure], du 129" de ligne, président ; le lieutenant-colonel Echeman, du 154è ; les commandants Patron, du 154è ; Florentin, du 113è ; le chef d'escadron Collet, du 4è chasseurs ; les capitaines Freychttatter, de l'infanterie de marine; et Roche, du 39e de ligne.

 

23 Décembre 1894

Le procès du capitaine juif Alfred Dreyfus s'est ouvert, mercredi, devant le premier Conseil de guerre de Paris, présidé par M. le colonel Maurel. Les débats ont eu lieu à huis-clos, comme le demandait le commissaire du Gouvernement. C'est dire qu'on ne peut donner sur l'affaire que de très restreintes informations.