La Rochelle, séance du 30 septembre 1918

Résolutions

Le conseil départemental d'hygiène s'est réuni le 30 septembre à 4 heures, conformément à la circulaire de M. le Ministre de l'Intérieur en date du 18 septembre, laquelle prévoit de réunir d'urgence cette assemblée dès qu'un foyer de grippe est signalé dans le département. Dans cette réunion, ont été entérinées et arrêtées les mesures de prophylaxie susceptibles d'enrayer l'épidémie autant qu'en diminuer la gravité.

 

Après la lecture de la circulaire par M. le préfet, M. le docteur Caylus, délégué sanitaire départemental fait un exposé complet de l'épidémie de la grippe qui sévit dans le département et fait connaître l'organisation et le fonctionnement du service de désinfection en vue de parer à tous les dangers. M. le professeur Ferré, adjoint technique du service de santé de la 18e région, convoque en vertu des dispositions de la circulaire précitée prend ensuite la parole et préconise un certain nombre de mesures prophylactiques qu'il y aurait lieu d'appliquer dans le département les mesures qui ont du reste été déjà appliquées dans l'armée et elles ont donné des résultats satisfaisants. Elles consistent notamment en application dans les fosses nasales de pommade ou huile goménolée[1] et en gargarismes et lavages de la bouche avec de l'eau bouillie tiède additionnée de liqueur de Labarraque[2] ou d'eau oxygénée, ou encore de salicylate de soude.

 

[1] Le goménol ou l'essence de Niaouli est un antiseptique des voies respiratoires.

[2] La liqueur de Labarraque est un antiseptique très employé au début du XXe siècle, à la dose de 30g. par litre d'eau. Ce liquide contient deux volumes de chlore actif par litre.

 

Isolement

Il importe de pratiquer dans tous les cas présentant un caractère infectieux grave l'isolement le plus complet possible.

 

Traitement médicamenteux

À l'intérieur il convient de conseiller également comme traitement préventif, l'usage de médicaments antifébriles, tels que quinine, antipyrine, aspirine.

 

Le conseil d'hygiène a adopté sur tous les points, les conclusions de M. le professeur Ferré, sauf toutefois en ce qui concerne l'usage préventif des antithermiques dans la crainte que le public n'en exagère l'achat et que ces médicaments ne viennent à manquer à un moment donné dans le commerce pour le traitement curatif.

 

Conformément aux conclusions du Dr. Ferré, la circulaire qui sera adressée aux médecins du département pour leur demander de considérer jusqu'à nouvel ordre, la grippe comme maladie nécessitant la déclaration ou tout au moins de nous tenir renseignés par une note hebdomadaire des cas de grippe qu'ils ont été appelés à traiter dans leur clientèle, et plus particulièrement des cas infectieux nécessitant la désinfection, leur fera connaître les mesures de prophylaxie adoptées par le conseil d'hygiène pour leur permettre à leur tour de les conseiller à leurs clients.

 

Établissements scolaires

 En examinant la question sur tous les points, le conseil a pris des décisions concernant les établissements scolaires. Des instructions spéciales seront adressées par les soins de l'Inspection Académique à tous les chefs d'institution pour leur prescrire toutes les mesures jugées nécessaires. Il a été décidé notamment que, dans un internat, un cas de grippe reconnu grave, et survenant chez un interne, suffit pour provoquer le licenciement de tous les élèves; toutefois, le licenciement ne sera prononcé qu'après avoir sollicité l'avis du médecin de l'établissement.

 

  • Si un interne tombe malade, il y aura lieu de prescrire la surveillance de tout le groupe qui a été en contact avec lui. La maladie d'un enfant dans une famille entraîne l'exclusion temporaire de ses frères et sœurs.
  • L'inspecteur d'Académie devra se préoccuper de façon toute spéciale de l'hygiène des dortoirs, du cube d'air qui ne devra pas être inférieur à 30 ou 40 m3 par tête, de l'isolement complet d'un ou plusieurs contagieux à l'infirmerie.
  • À toutes ces dispositions d'ordre général, devront s'ajouter les mesures préconisées pour obtenir l'antisepsie des voies respiratoires.

 

Propreté et désinfection

Les institutions privées sont soumises aux mêmes obligations que les établissements publics.  Dans les écoles primaires, on précisera de rigoureuses mesures de propreté.

  • Le balayage doit être formellement interdit.
  • Les salles occupées par des élèves seront lavées, chaque jour, avec un linge humide ; deux fois par semaine on ajoutera à l'eau de lavage, de l'extrait de Javel dans la proportion d'un quart de litre pour six litres d'eau.
  • Il est important de pratiquer l'aération prolongée des locaux.
  • Les cabinets d'aisance devront être tenus très proprement. Il y aura lieu de faire des lavages à grande eau au moins une fois par jour avec aspersion après lavage, d'un liquide antiseptique (sulfate de cuivre ou crésylol sodique à la dose de 50 grammes par litre d'eau).

 

Une circulaire devra être adressée en outre à tous les maires du département pour les inviter à mettre les crédits nécessaires à la disposition des instituteurs pour l'acquisition de tous les désinfectants nécessaires.